Orléans - Bourges 11 Mars
(L'Bourrin)
Orléans Bourges 11 Mars ou 10 Mars ? Telle fut la question que me posa Abasie le 9 au matin, alors qu'il était en train de charger son fauteuil dans la voiture…
- Euh… ben c'est le 11…
Pause repas, allez re-partir pour un tour de sucre lent ! beurk
un peu marre… vite de retour, je me regarde mon itinéraire, allez je pars de
Bourges et remonte vers Orléans en comptant les kms, environ 60… ca fait… ca
fait… Pierrefitte sur sauldre… 62kms, en allez soyons fou ! J'aime pas le bitume,
mais je crois qu'en fait je suis en train d'y reprendre gout ! :-)))))))
10 Mars gare d'Orléans. Peu de temps auparavant, JMG m'a appelé
pour me dire qu'il rentrait chez lui, qu'il était content d'avoir "Franchit",
on se fait un passage de témoin par téléphone, nos trains se croisant… Quelques
secondes plus tard, c'est BeaujolaisRunner (un Ufo) qui m'appelle pour me dire
qu'il est à Orléans ! Ok, alors,RDV gare d'Orléans. Aussitôt suivi d'un appel de Tonyé (cf Asniéres-Caen),
qui me traite de tous les noms d'oiseaux possible et imaginable ! si si ! il
a osé ! Sous l'infâme prétexte, que lui allait rester au bureau pendant que
j'allais me re-goinfrer une étape ! :-)))) pfffffffff…. J'ai eu beau lui dire
dégonflé, que de la gu#ule, p'tit bras… il est même pas venu ! :-))))
Arrivée en gare, un bambou m'y attends accompagné de BeaujolaisRunner
(BR). C'est quoi un Bambou ? c'est quelqu'un qui donne un à deux ans de sa vie
pour aider EdM, en Asie. Facile de reconnaitre le bambou, avec son T-shirt EdM
! Il nous emméne BR et moi, pour diner avant la soirée EdM. En arrivant tous
les bénévoles nous applaudissent… euh… pas tant merci, ca me gêne ! c'est que
les Bourrins, c'est pas habitué à ca ! BR, aussi est géné ! :-)))) tant mieux,
je suis pas le seul !
Je dois me remettre en tenue de coureur pour que Véro, fasse
le speach du coureur qui arrive sur l'estrade et son interview (je commence
à être rodé, c'est mon quatriéme !). Projection du film EdM, buffet puis cloture,
comptabilisation des parrainages (17) et dons, rangement matos et direction
dodo dans un gîte à une vingtaine de kms d'Orléans.
7h00, réveil… préparation du sac, et des bouteilles puisque
dans l'urgence j'ai oublié de prendre ma poche à eau ! j'ai donc pris dans le
train une bouteille de 50cl de badoit car elle est en plastique rigide et se
range facilement dans une des poches latérales de mon sac à dos de raid Lafuma
20L, plus une autre bouteille d'un litre et demi. JB et Antoine sont levés aussi,
car c'est eux qui vont me déposer à Pierrefitte et m'accompagner un quart d'heure
durant. Je leur ai déconseillé de me suivre plus longtemps car le lendemain
c'est eux qui vont courir… JB bave d'envie d'être à son tour Franchisseur !
Il l'est déjà certes mais pas comme coureur !
8h50 je suis arnaché et on s'élance tout doucement sur la petite
route interminablement plate et droite. Prochain village dans 8kms. Le froid
est tel, que l'eau dans les accotements
est gelée, il doit faire moins deux, moins trois.
JB et Antoine, me demande les ultimes conseils avant d'y être
à leur tour, le quart d'heure passe très vite… on se dit à se soir, ils me souhaitent
bon courage. Je ne m'éternise pas, content d'être seul et pouvoir me digérer
toutes ses émotions tout en courant… Si le paysage de la Sologne n'est pas moche,
ca n'est que de la forêt coupée d'un interminable ruban d'asphalte. C'est assez
monotone, presque stressant de ne pas voir d'horizon, pas de lointain, juste
cette impression de courir dans un tube de forêt… pas d'animaux, mais vu le
froid, je les comprends.
A peine une demi heure que je coure et je me sens déjà dans
le rythme, je me plonge dans ma bulle. Je commence à saisir la différence entre
s'enfermer dans sa bulle pour courir sans voir les kms défiler, tout en gérant
sa foulée et ses sensations ! C'est complétement différent de ce que j'avais
du faire au Tchimbé raid, ou j'avais du annihiler les douleurs d'ampoules explosées
aux deux pieds et les douleurs abdominales tout en gérant ma course. Cela avait
été trop gourmand mentalement et il m'a fallut plusieurs mois pour m'en remettre.
J'avais peur de me renfermer dans ma bulle les courses qui ont suivi comme au
Tour du Mont Blanc.
Là, c'est facilement que j'arrive à me mettre dans cet état
que recherche le coureur de fond. Enfermé dans ma bulle, je sens ma foulée devenir
infatigable, sur le bon rythme, à l'écoute de toutes les sensations corporels
et attentif à l'environnement… justement, tient il neigeote… des flocons très
léger tellement le froid est vif, avec la petite bise, c'est comment dire… vivifiant
! Si t'arrêtes de courir, tu meurs sur pied !
Avec le coupe vent, la carline, caleçon long et le béret bleu
du zoo, je suis pile poil bien… j'ai tout de même ma veste pluie et ma polaire
dans le sac, plus l'eau, 4 barres énergétiques, la trousse à pharmacie, deux
tél. portables. J'ai demandé à l'Electron de diffuser sur le net mon tél. perso.
Et je sais que la batterie ne tiendra pas. D'ailleurs, en pensant au tél, je
m'aperçois justement que l'indicateur de batterie chute alors que je ne l'utilise
pas… ca doit être à cause du froid ! alors je le tiens à la main. Ca marche
! l'indicateur de charge remonte !
9h40 Souesmes euh… ca fait un peu vite ca! Je regarde le cardio,
pourtant je suis en endurance 70% de ma Fcmax ! Wouaaaahhhh…. Si ca continue
je vais devenir un choual de course ! :-))))) ca m'embéterait quand même ! j'aime
bien l'Bourrin moi ! point carte, aïe… 12kms de quasi ligne droite et au bout
je devrais pouvoir trouver un troquet pour un petit café !
Je me recolle aussi sec dans ma bulle… c'est génial, les pattes
vont du feu de dieu et je suis heureux de courir une dernière fois pour EdM
! Une dernière fois ? euh… vi ben on verra ! je sais, c'est pas raisonnable,
mais c'est trop bon d'être ainsi ! Si nous, coureurs de grands fonds nous sommes
de grands malades, et que vous avez ou si vous connaissez quelqu'un qui a LE
médicament, s'il vous plait… GARDEZ LE !
Je me marre tout seul, sur ma route déserte en trottinant,
tout en devisant sur la folie du monde et d'autres choses plus terre à terre
parce que c'est pas vraiment le paysage qui va me distraire… je suis toujours
sur mon ruban rugueux et grisâtre, enserré d'arbres et au plafond nuageux indéfini
et gris aussi… Seules quelques splendides batisses traditionnelles flanquées
de leurs meutes de chiens courant viennent égayer le décor. Les meutes de chiens
courant… encore un truc que je n'aime pas bien, n'en déplaise aux chasseurs…
11h00 22kms… ben, t'as bouffé du cheval mon Boubouh' ou quoi
? C'est quoi ce binse ? tu te fais 138kms il y a quatre jours de ca et là tu
te balades à 10 à l'heure ? M'enfin !tu vas péter une duriteeeee si tu continues…
euh… dis donc le Poulpe tu me fous la paix ! (pour ceux qui ne seraient pas au courant, l'Toutou m'a trouvé un jour
un côté poulpe sous mes airs de Bourrin) Je m'éclate, tout va bien, c'est le
p.a.n.a.r.d ! alors le Poulpe… couché !
Un troquet, hop ! Je
m'étais fixé une base de 7km/h tout compris et là j'ai largement le temps de
me faire un petit plaisir… un café, croissant beurre c'est plus gras :-))) et
vingt minute à me chauffer la couenne… je le savoure se croissant… mmmmmhhh…
je n'ai même pas pensé qu'il pourrait avoir envie de sortir de la même façon
qu'il est entré… je me le machouille à en savourer la moindre miette… il en
faut peu pour rendre heureux un Bourrin ! koi ? ki a dit un seau d'eau et un
sac d'avoine ? hein ? personne ? Bon, ca va ! Je refais mes pleins d'eau et
recharge en poudre énergétique.
11h20, je reprends ma route, il me reste 23 kilometres avant
d'arriver à Mehun, point de rendez vous fixé avec des marathoniens de Bourges
à 16h00… mpffffff… j'ai le temps ! dans 2h15 j'y serais ! chiche ? :-)))) (je
vous l'avais dit il est complétement secoué… pôv' bête… ). Je repars, toujours
pas de douleurs dans les jambes ! youpie ! 12 kms , sans village…
Ahhhh…. Un léger changement dans le paysage, de long faux plat
et quelques plaines aussi désertiques que la Beauce… par contre, je ne suis
plus à l'abri du vent ! et avec l'air frais, j'ai l'impression de geler de l'intérieur
à chaque inspiration ! Le soleil tente même une timide percée.
J'en apprécie chaque rayon… Cela me fait aussitôt penser, que
si l'on s'adapte à son environnement avec parfois fatalisme, il en faut peu
pour être heureux… dans un ciel uniformément gris, j'apercois un infime carré
de ciel bleu et d'un coup un rayon de soleil me chauffe à peine un peu la couenne,
que c'est un rayon de joie… bon d'accord ca n'a pas duré plus de vingt minutes…
J'ai toujours cette impression de courir comme un métronome,
uniquement interrompu dans mes pensées par vos messages et appels de soutiens…
Toujours autant de plaisir… toujours autant de fierté de le faire pour EdM…
je refais mes calculs je vais arriver avant 14h à Mehun… ben pas grave ! je
me ferais un jambon/beurre/biére ! :-)))))) et si j'ai le temps, même un petit
café !
Un radio-téléscope, wouah… la vache, c'est immense ce truc
! bon je suis pas venu pour visiter, alors je repars. Ca me fait penser que
j'aurais pu faire une photo, mais l'uniformité et la tristesse ne m'a pas incité
à prendre plus de deux photos alors j'ai complètement oublié l'appareil…
12h15 Vouzeron, dernier bled 14 kms avant Mehun... j'ai un
appel du Millepattes, je lui dis que j'ai un peu plus de 2h00 d'avance sur mon
plan de marche, il me dit de marcher ! je lui dit que c'est hors de question,
que je me régale trop et que je préfère attendre dans un troquet ! il se marre…
Maintenant je n'ai plus de bois pour m'abriter et le ciel est
de plus en plus noir, le vent encore plus mordant… Cette impression de geler
de l'intérieur est vraiment pénible. Avoir froid à l'intérieur des poumons… beurk… vraiment pas clean comme truc
!
Je commence à compter les kms avant l'arrivée à Mehun… Je me
dis que c'est pas bon signe ! j'aurais toujours autant de mal à finir ! enfin
finir n'exagérons rien, après il me restera environ 17kms…
4h20… de course (pause croissant décomptée) 42kms ! mouarf…
tranquillou que je me le fais ce marathon ! J'avais la trouille de faire Paris
en 4h… je devrais pouvoir le faire, je crois que j'ai l'entrainement maintenant…
:-))))
Le téléphone sonne souvent pour des appels ou messages (je
ne suis pas toujours en zone couverte). Et enfin le panneau Mehun! Encore1kms
et je suis au centre ville, je me permets de marcher ! top chrono ! Je me cherche
un troquet pouvant faire un sandwich… je le trouve à 500m du point de rendez-vous…
plus de 2h à tuer ! pfffffffffffff…. Que le temps va me sembler long
! d'autant plus qu'il y avait là un magnifique spécimen d'ivrogne pénible…
Je commence à somnoler, j'ai lu le journal d'hier, celui du
jour et pris un café… je regarde filer le temps… et en même temps, je me dis
qu'il faut encore que je me fasse 17kms…
15h50 allez j'y vais en espérant que mes coureurs auront un
peu d'avance, car l'idée d'attendre par ce froid avec la fatigue accumulée ne
m'emballe pas des masses… Arf… dure la remise en jambe…
Oh… chouette mes accompagnateurs sont là ! ils m'attendaient
et ne semblent pas avoir chaud ! Si j'avais su je serais parti un peu plus tôt
! présentations et on se met vite en route car c'est le blizzard ici ! cette
sensation d'avoir les poumons qui géle commence à devenir vraiment désagréable
!
Gilles est marathonien, un autre DonGéOubliéleNom a une trentaine
de marathons à son actif et quelques 100kms, et deux jeunes de l'école d'ingénieur
me guideront jusqu'à la fin.
Ca circule dur ! Je suis content d'avoir du monde pour m'aider
à finir, tout de même… la reprise n'étant pas facile psychologiquement… Lors
de ma dernière longue pause, mentalement j'étais arrivé ! et maintenant la motivation
est dure à relancer… Gilles me propose de passer par le voie le long du canal,
plus plate mais un poil plus longue… Bizarrement je préfére la solution la plus
directe ! :-)))
Je commence à ramer dur ! la tête ayant déjà passé la ligne
d'arrivée, je ne trouve plus les ressources mentales pour avancer… Dans les
côtes, je marche… on papotte, mais j'ai un peu de mal à causer et ce vent glacial…
beurk ! Gilles me montre la cathédrale au loin, c'est notre cible… pfffffou…
qu'elle est loin cette cible, d'autant plus que j'ai l'impression qu'on lui
tourne autour !
Lors d'un arrêt, étirement DonGéOubliéleNom, se propose de
me prendre mon sac à dos (j'avais refusé déjà plusieurs fois…) là j'accepte…
ah… ca fait du bien quand même…
Dring… c'est Abasie, il est avec les jeunes de l'école d'ingé.
à deux kms environs, mais il ne courra pas ! Dommage ! Mais je suis super content
de pouvoir enfin lui serrer la pince ! ca me redonne, un petit coup de fouet
! Mais que je les ai trouvé long ces deux kms ! même sur le plat, je m'arrête
marcher parfois…
Le fameux carrefour ou la foule des jeunes en délire m'attend
! :-)))) je cherche Abasie, il est parti m'attendre au centre ville… je dis
bonjour à tous, et on s'élance pour nos derniers kms… 3 ? 4 ? je sais plus…
mais je les trouverais encore interminablement long !
Je demande aux jeunes de me chanter une chanson, ils m'ont
sorti leur chanson de chambrée… hop hop… ca fait du bien ! Le groupe d'une quinzaine
de jeunes tout frais à une légère tendance à s'emballer, pas moi…
Enfin la vieille ville… je retrouve un peu des jambes sentant
l'écurie… la cathédrale ! YESSSsssss….
Et voilà encore une étape de pliée, ma troisième ! séance photo…
je sors ma polaire, on papotte un peu avant de m'emmener au chaud (maison de
la culture) pour m'offrir un jambon/beurre/biére… Abasie arrive à la maison
de la cutlure… On se serre enfin la paluche !
Photographe… clic-clac se sera pour le journal…
Voilà, cette fois c'est avec joie que je laisse le livre d'or
vivre sa vie, je suis d'autant plus fier que c'est à l'équipe Enfants du Mékong
que je le passe… Le deal était clair, on court pour vous mais si vous pouviez
courir une étape aussi ce serait mieux ! Vous saurez ainsi ce que l'on ressent,
ce que l' on vit et la valeur de notre action pour vous…
Je peux vous dire qu'ils apprécient à sa juste mesure la valeur
de notre action ! :-))) pluie, froid, routes vallonnées auront été leur quotidien
durant deux jours. Maintenant ils mesurent parfaitement notre soutien ! Je n'en
dis pas plus, à eux de raconter leur étape et leurs difficultés ainsi que leurs
joies…
Quant à moi, cette étape m'a calmé ! :-)))) Sur la fin, je
me suis battu pour avancé, mais en pensant que des enfants se battaient pour
survivre… alors, pour eux j'avancerais jusqu'au bout…
Je ne dis pas que je n'en referais pas une autre… mais c'est
serein et joyeux que j'ai repris le train pour la capitale !